JOURNAL D’UN MELOMANE est une websérie en 9 épisodes écrite par Kostia Milhakiev, qui retrace son parcours de mélomane au fil du temps.
Dans le domaine de la hifi, absolument nouveau pour moi, j’étais d’abord un impulsif, doublé d’un caractère crédule. Je n’ai jamais eu non plus un goût excessif pour les connaissances techniques et mathématiques (voilà d’ailleurs pourquoi je n’ai jamais appris le solfège).
Il me fallait donc faire un choix entre des matériels dont la qualité technique — et sonore —, était avant tout vantée par des vendeurs et par des publicités.
Autour de moi, dans ma vie professionnelle, je fréquentais pourtant des ingénieurs et des preneurs du son, des mixeurs… Mais il semblait bien que leurs connaissances ne s’appliquaient pas à la HIFI de l’époque, je veux dire par là que cette hifi était déjà ésotérique à leurs oreilles. Que celui qui n’a jamais fait la différence entre watts efficaces, watts utiles, watts crête et/ou watts musicaux me jette la première pierre : je n’y comprenais rien.
Bien évidemment, je devais lutter (en pure perte) contre l’aspect purement esthétique des matériels. Bien évidemment, je devais intégrer le WAF (Wife Factor Acceptance est un acronyme inventé par les hifiste pour déterminer l’adaptabilité de leur matériel à l’humeur de leur épouse qui voit soudain salon et/ou étagères envahis de matériels sombres et imposants qui-font-d’la-musique-j’te-promets-chérie).
A la maison, nous écoutions toujours de la pop music selon le goût de ma compagne, j’avais donc des arguments afin de militer pour l’achat d’une chaîne plus perfectionnée. J’entrepris, seul — la hifi est une histoire d’homme ! —, le tour des magasins de l’arrondissement.
J’étais bien en peine d’exprimer ce que je souhaitais, et je soulignais mon acquiescement aux promesses des vendeurs par un silence prudent. J’ai connu plus tard la même mésaventure avec l’achat de mon premier ordinateur, car on ne dira jamais assez comme le novice est une proie facile pour les vendeurs spécialisés, lesquels se prennent pour des génies de la modernité et regardent l’ignare, que vous semblez être, avec condescendance [NDLR : il y en a des biens aussi comme on dit].
Je commençais pourtant à discerner quelques problématiques de la technique, mais chaque question de bon sens disparaissait aussitôt sous les arguments, contre-techniques, que je recevais en réponse.
En désespoir de cause, j’optai pour une platine THORENS, une cellule SHURE, les mêmes que mon ami Georges, un ampli français à lampes AMPLITON de 35 watts (push-pull EL 34) et des enceintes CABASSE SAMPAN LOURD. Tout cela fut installé dans une pièce de 15 m2, en dépit du bon sens. A mon tour, j’installais des équerres de métal dans le mur et y posais les enceintes, à l’horizontale, bien collées au mur.
Etais-je heureux du résultat ? Eh bien oui.
Les vinyles de l’époque remplissaient un cahier des charges tout à fait satisfaisant (je n’en dirais pas autant des « vinyles » actuels, j’y reviendrai plus tard). Les prises de son étaient organisées dans des studios sommaires, avec plusieurs musiciens dans la même pièce, et peu importait si la batterie bavait un peu dans le micro du pianiste. L’important était pour moi le feeling, l’esprit de la musique, l’authenticité du blues pris sur le vif (les pickings de Blind Gary Davis!), l’énergie des orchestres de Duke Ellington, Count Basie, Fletcher Henderson ou Chick Webb.
Les enregistrements étaient d’époque et sonnaient comme ils pouvaient.
Je n’avais plus qu’à claquer des doigts sur le deuxième temps. Dig it !