Bootlegs : plongée dans l’univers clandestin des enregistrements non officiels

Bootlegs : plongée dans l’univers clandestin des enregistrements non officiels

Les bootlegs, ces enregistrements clandestins et non autorisés, représentent un monde fascinant et complexe de la culture musicale. Pour certains, ils sont des trésors inestimables, offrant des performances inédites et des moments rares capturés dans le temps. Pour d’autres, ils sont une menace, violant les droits d’auteur et les propriétés intellectuelles des artistes. Dans l’univers du vinyle, les bootlegs occupent une place particulière, mêlant histoire, technique, législation et passion des collectionneurs. Plongeons ensemble dans ce monde intrigant.

Qu’est-ce qu’un Bootleg ?

Le terme « bootleg » évoque des images de contrebande et de distribution clandestine. Dans le contexte du vinyle, il désigne des enregistrements non autorisés qui sont produits et distribués en dehors des circuits commerciaux légitimes. Contrairement au piratage (voir ci-dessous) qui implique la copie illégale de matériel officiellement publié, les bootlegs se concentrent sur des contenus non disponibles commercialement, comme des enregistrements de concerts live, des démos rares ou des sessions de studio inédites.

Ci-dessus : un concert du Grateful Dead, des dizaines de « Tapers » enregistrent le concert dans la zone réservée par le groupe.

Un bootleg n’est pas une contrefaçon !

Les bootlegs se déclinent en plusieurs types, chacun avec ses particularités. Les enregistrements de concerts capturent l’énergie brute des performances live, souvent avec des imperfections qui ajoutent au charme et à l’authenticité. Les démos offrent un aperçu des chansons à un stade préliminaire, révélant le processus créatif des artistes. Les sessions en studio non publiées, quant à elles, sont des trésors pour les fans avides de découvrir des versions alternatives ou des morceaux abandonnés.

Le vinyle revient en force depuis une décennie environ, mais pour certains disques, le marché reste tendu, pour plusieurs raisons, ce qui entraîne une explosion des contrefaçons :

Certains disques n’ont jamais été édités en vinyle. C’est le cas de certains disques sortis dans les années 90 et 2000, lorsque le vinyle était en voie de disparition.
Certains disques ont été édités à trop peu d’exemplaires en vinyle lors de leur sortie, ce qui tend le marché de l’occasion.
La contrefaçon est vielle comme le monde, il y aura toujours des gens malhonnêtes qui profiteront du système

Histoire des Bootlegs

L’histoire des bootlegs remonte au milieu des années 60, une époque marquée par une effervescence musicale et une demande croissante pour des enregistrements rares et inédits. Les premiers bootlegs notables incluent des enregistrements de concerts de Bob Dylan et des Beatles, deux artistes dont la popularité a alimenté un marché noir florissant. Le label Trade Mark of Quality (TMQ) est devenu célèbre pour ses productions de haute qualité, notamment avec le légendaire « Great White Wonder » de Bob Dylan, considéré comme l’un des premiers grands bootlegs de l’histoire.

Dans les années 1970 et 1980, la technologie de l’enregistrement s’est améliorée, permettant une capture plus fidèle des performances live. Les bootlegs sont devenus des objets de culte parmi les collectionneurs, et certains enregistrements, comme ceux de Led Zeppelin ou des Rolling Stones, sont aujourd’hui considérés comme des pièces majeures par les collectionneurs de ces groupes.

Production et Distribution

La production d’un bootleg commence souvent par l’enregistrement clandestin d’un concert. Les fans passionnés et déterminés utilisaient des magnétophones portables, cachés dans des vêtements ou des sacs, pour capturer l’événement. Ces enregistrements étaient ensuite transférés sur des masters, qui étaient pressés en vinyles dans des installations souvent improvisées. Le processus de pressage était loin des standards de l’industrie, mais pour les collectionneurs, c’était la qualité brute et l’authenticité qui importaient.

Les Grateful Dead et l’Encouragement des Bootlegs

Les Grateful Dead ont adopté une approche unique envers les bootlegs, en encourageant activement leurs fans à enregistrer leurs concerts. Dans les années 1970, le groupe a mis en place des zones spéciales pour les « tapers« , permettant ainsi des enregistrements de haute qualité. Cette politique a renforcé leur lien avec les fans et établi leur réputation de groupe live hors norme. Cette approche a eu un impact durable, créant une vaste archive de performances live et influençant d’autres artistes à suivre cette voie. De nombreux « boots » du Grateful Dead sont disponibles gratuitement sur le net.

-> A lire, un superbe article sur les bootlegs du Grateful Dead (en anglais)

La distribution des bootlegs se faisait principalement par des réseaux clandestins. Les marchés noirs, les échanges entre collectionneurs, et plus tard, les ventes en ligne ont permis à ces enregistrements de circuler largement. Aujourd’hui, Internet a transformé la distribution des bootlegs, facilitant l’accès à une multitude d’enregistrements pour les fans du monde entier.

Législation et Implications Légales

Les bootlegs posent un problème légal significatif car ils enfreignent les droits d’auteur et les lois sur la propriété intellectuelle. Aux États-Unis, par exemple, le Copyright Act protège les enregistrements sonores, et la production et la distribution de bootlegs peuvent entraîner des poursuites judiciaires sévères. Les artistes et les maisons de disques voient souvent les bootlegs comme une forme de vol, une atteinte à leur travail et à leurs revenus.

Des cas célèbres de poursuites judiciaires ont marqué l’histoire des bootlegs. Les autorités ont régulièrement mené des raids pour saisir des enregistrements illégaux et poursuivre les producteurs et distributeurs. Cependant, malgré les risques juridiques, le marché des bootlegs a persisté, alimenté par la passion des fans pour des enregistrements uniques et rares.

D’un point de vue du bon sens, je me dis que tant que celà reste à petite échelle dans le but unique d’échanger de la musique sans copyright entre passionnés, celà reste tolérable, et sans impact négatif sur les artistes. A noter cependant que même aujourd’hui il semble exister une sorte de zone grise d’un point de vue légal, puisque certains labels comme Cult Legends par exemple, semblent sortir de nombreux bootlegs sans autorisation, et sont distribués dans les canaux standards sans soucis (web, disquaires, enseignes culturelles etc…).

Ci-dessus : Quelques bootlegs du label Cult Legends, dont la légalité semble toute relative …

Pour les collectionneurs, les bootlegs représentent une quête incessante de trésors cachés. La rareté et l’unicité de ces enregistrements leur confèrent une valeur particulière. La qualité des bootlegs live étant bien souvent assez aléatoire, ces derniers sont réservés la plupart du temps aux collectionneurs complétistes, et revêtent bien souvent une valeur plus historique que strictement musicale.

La culture des bootlegs est également marquée par un sentiment de communauté et de partage. Les collectionneurs échangent des informations, des astuces et des enregistrements, souvent à travers des forums en ligne et les réseaux sociaux.

Les bootlegs de Metallica que vous voyez ci-dessous sont tous issus de la collection d’un de mes fidèles lecteurs, que je remercie au passage d’avoir joué le jeu ! 🤘🤘🤘

Types de Bootlegs

1. Enregistrements de Concerts (Live Recordings)

Les enregistrements de concerts constituent l’un des types les plus courants de bootlegs. Ils peuvent être classés en trois catégories principales :

  • Enregistrements Audience (Audience Recordings) : Capturés par des spectateurs à l’aide de microphones portables. La qualité sonore peut varier en fonction de l’équipement utilisé et de l’emplacement de l’enregistreur dans la salle, mais ces enregistrements capturent souvent l’ambiance du concert, y compris les réactions du public.
  • Enregistrements Soundboard (Soundboard Recordings) : Capturés directement à partir de la table de mixage du concert. Ils offrent généralement une qualité sonore supérieure car ils enregistrent les signaux audio avant qu’ils ne soient diffusés par les haut-parleurs. Ces enregistrements sont en général assez froids car on y entend pas le public.
  • Enregistrements Radio (Radio Broadcasts) : Captures de performances live diffusées à la radio. Ces enregistrements bénéficient souvent d’une qualité sonore élevée car ils sont pris à partir de sources professionnelles, bien que la dynamique puisse être compressée pour la diffusion radio.

2. Démos (Demos)

Les démos sont des enregistrements préliminaires de chansons, souvent réalisés en studio avant les sessions d’enregistrement finales. Elles révèlent des versions brutes des chansons, permettant de voir le développement des morceaux et d’entendre des arrangements ou des paroles différents de ceux des versions finales.

3. Sessions de Studio Non Publiées (Unreleased Studio Sessions)

Ces enregistrements proviennent de sessions en studio qui n’ont jamais été publiées officiellement. Ils peuvent inclure des prises alternatives, des morceaux inédits ou des expérimentations en tous genres. Ces sessions offrent un regard inédit sur le travail des artistes en studio et leur processus créatif.

4. Enregistrements de Répétitions (Rehearsal Recordings)

Les enregistrements de répétitions capturent les artistes lors de leurs sessions de répétition. Ces enregistrements offrent un aperçu unique des préparatifs des artistes avant des concerts ou des sessions d’enregistrement. Ils peuvent inclure des versions de travail des chansons, des discussions entre les membres du groupe et des essais de nouveaux morceaux.

5. Compilations Non Officielles (Unofficial Compilations)

Ces bootlegs rassemblent divers enregistrements rares, comme des prises alternatives, des versions live, des démos et des morceaux inédits, dans une seule compilation. Souvent créées par des fans, elles peuvent offrir une vue d’ensemble exhaustive d’une période particulière de la carrière d’un artiste ou d’un groupe.

Contrefaçons

La contrefaçon, c’est mal, soyons clairs. C’est du vol, comme nous l’avons évoqué plus haut. Même si souvent cette dernière à vocation à palier un manque de disponibilité sur le marché (pour les raisons évoquées en début d’article), il arrive que la contrefaçon s’attaque à des vinyles disponibles officiellement très facilement, ce qui est totalement intolérable. Je suis obligé de constater que depuis deux ou trois ans, nous assistons à une véritable explosion de la contrefaçon dans le disque vinyle, certains vendeurs en convention ayant leurs bacs remplis de disques de contrebande. Sans compter que bien souvent ces disques sont vendus au prix fort, il m’arrive souvent de tomber sur des contrefaçons de Black Sabbath ou Metallica par exemple, et je vous parle d’albums standards de ces groupes, totalement disponibles en magasin, à des prix très élevés, 25€, 30€ parfois, ce qui est tout bonnement honteux. Que nous ayons une légère zone de tolérance pour des disques totalement introuvables passe encore, mais sur des disques disponibles dans le commerce, c’est inadmissible, surtout lorsque rien n’indique que ces disques ne sont pas officiels.

Ci-dessous quelques contrefaçons de disques de Metallica. Comme vous le voyez, certains viennent palier un vrai manque sur le marché du fait de la rareté absolue des disques (ex: Eye of the Beholder), mais certains sont de vulgaires contrefaçons (Kill’em All et Ride The Lightning par exemple) 🤘🤘🤘

Wax

Créateur de Vinyle Actu en 2010, passionné de disques vinyles et de metal en général. Vinyle Actu recherche en permanence de nouveaux rédacteurs : si tu te sens la plume acérée et que celà t'intéresse, merci de me contacter.

Cet article a 2 commentaires

  1. Pat

    Hello, tres belle page. 2 questions : quelle legislation vis a vis des broadcasts? Et brocantes vinyles autour de la chatre indre fin aout. Dsl style telegrafik mais je tape mal avec 1 smartphone.

    1. Wax

      Hello Pat, je pense que la radio qui diffuse en théorie est en règle avec le groupe. En revanche, diffuser le broadcast à postériori après l’avoir enregistré est sans aucun doute illégal. Mais je pense que tant que celà reste à petite échelle, les groupes s’en fichent, et parfois même l’encouragent 🙂

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