JOURNAL D’UN MELOMANE est une websérie en 9 épisodes écrite par Kostia Milhakiev, qui retrace son parcours de mélomane au fil du temps.
Pourquoi est-on tenté de changer son matériel hifi à tout bout de champ ? A la fois par ignorance et par vanité. Dès lors que le virus vous prend, il est incertain, inconstant, mais terriblement accroché à vous.
Cela commence par des recherches de lectures spécifiques. On veut être moins bête et on farfouille. On veut en imposer un peu plus à un démonstrateur, voire à ses propres amis, ou justifier d’une dépense perçue comme inutile à la tranquillité du ménage.
Mais au fond de soi, on cherche surtout à entendre un meilleur son et à être rassuré de ses choix par une preuve audible.
Qu’est-ce qu’un meilleur son ? Et a-ton les oreilles pour l’entendre ? A cette seconde question j’ai souvent répondu par cette boutade : « de quand date ton dernier audiogramme ? » S’il est connu que le spectre sonore audible s’étend de ± 16 Hz à ± 20 Khz, la perception psychoacoustique varie entre les individus, de même que sa propre courbe d’audition se modifie avec l’âge.
A la première de ces questions, je n’avais que les réponses des vendeurs et/ou les articles spécialisés. Pour beaucoup de hifistes et d’audiophiles, les oracles ont été (et sont encore) : « J’aimerais entendre un grave bien tendu, des médiums qui chantent et/ou pas trop agressifs, et des aigus qui tintent et/ou qui filent.» Reportez cette question à la gastronomie et vous recevrez autant de réponses métaphoriques propres à son domaine : « Là nous somme sur… du gouleyant, du pierreux, de l’acide, … ou du chou de Bruxelles retravaillé avec du soja… », etc.
Le hifiste, né dans les années 80, est donc un audiophile et inversement. Il est obnubilé par le marché qui se déploie en marques internationales, en progrès divers, en technologies inédites, en inventions ésotériques, en multiplication de câbles [NDLR:une vidéo rigolote pour le anglophones], de supports, de gadgets magiques, parfois plus onéreux les uns que les autres, surtout s’ils sont farfelus, et donc inutiles.
L’internet permet à ce jour de découvrir le site sur lequel vous me lisez, lequel contracte en articles choisis les hésitations qui furent les miennes et apporte des réponses pratiques et de bon sens. Je n’ai pas eu cette chance, l’internet était débutant. Ou alors j’ai fait de mauvais choix de lecture, bondissant d’hyperlien en hyperlien. Lisant tout et son contraire. Participant à des forums spécialisés en DIY (Do It Yourself) où se débattaient des questions pointues entre les tubes EL 34, KT 88, B 300 russes ou chinois, les montages push-pull, la contre-réaction, la distorsion, puis le jitter…
J’ai poussé des portes d’auditoriums recommandés par des pages de publicités luxueuses. J’ai modifié mon système, j’ai acheté des marques de prestige : chez McINTOSH : ampli à tubes MC 75, puis à transistors M 250, préampli MC 22, tuner M 78; chez GALE : platine GT 2101 (quelle beauté!), enceintes GS 401 (quelle somptuosité à l’oeil!) ; chez TANNOY : enceintes à haut-parleurs large-bande concentriques, des bras SME et des cellules en pagaille.
Pour des raisons professionnelles, j’ai fait confiance à NAGRA, marque-phare dans le cinéma : amplificateur à tubes VPA, amplificateur à transistors MPA, préamplificateur à tubes PL-P avec alimentation à piles. Enfin, je fis livrer dans mes 15 m2 une paire d’enceintes Titan II de chez QUADRAL — des monstres de 1 m 50 de haut, pesant 115 kg chacune.
Créées à l’origine pour un de leurs ingénieurs amateur d’opéra, un disque-test à 16 Hz les faisait trembler ainsi que les murs sur trois étages.
On voit des set-up plus impressionnants encore dans des intérieurs japonais de 12 m2 en forme de L. Avec des Voix Du Théâtre ONKEN, ils sont assurément audiophiles !