La ligne entre l’amour et la haine est fine paraît-il, et il semblerait qu’il en soit de même dans bien d’autres domaines, celui de la collection de vinyles n’échappant pas à la règle. Où se situe la frontière entre « collectionner » et « amasser » (« hoard » comme diraient nos amis anglophones) ? Il s’agit d’un vrai sujet, un tour sur Youtube vous proposera quelques documentaires intéressants sur le sujet, dressant le portrait de collectionneurs usés par leur approche complétiste du hobby vinyle. Un article un peu en vrac dans lequel je livre mes impressions, et pour être franc, j’attends les votres avec impatience.
Nous sommes je pense nombreux à avoir dans notre collection des disques que nous n’avons presque jamais écoutés, voire même jamais pour certains. En ce qui me concerne, si j’exclue les disques que j’ai récupérés dans des lots, je ne crois pas avoir de vinyles jamais joués dans ma collection. En revanche, j’en ai pas mal que je n’ai écoutés qu’une seule fois, et pour certains même pas en entier : pas le moment, pas le temps, musique trop challengeante, autre chose à écouter… vous les connaissez ces albums que l’on met sans cesse sous le tapis. Alors si l’on a pas envie de les écouter et que celà s’apparente à une souffrance, pourquoi les garder ? « Oui, mais peut-être un jour … » …
Avez-vous déjà eu ce sentiment que ce vinyle, que vous n’avez jamais écouté, va vous manquer cruellement, irrémédiablement, si vous vous en séparez ?
A contrario, avez-vous vécu ce moment où malgré le fait d’avoir enfin le pressage original Equatorien de Dark Side of the Moon en NM avec l’insert original, vous ne vous sentez tout simplement pas mieux, pas comblé ? Il ne s’agit pas ici de ma propre expérience car je n’ai jamais vécu celà (bah oui je n’ai toujours pas trouvé le pressage Equatorien de DSOTM en bon état :p), mais je sais que beaucoup de collectionneurs vivent celà : une sorte de fatigue émotionnelle, un trop plein.
Certains collectionneurs que j’ai pu voir dans des reportages comparent très clairement la collection à une drogue : ils sont prisonniers de leur besoin d’amasser, et souffrent du fait de ne pas écouter leurs disques : c’est un cercle vicieux, au plus vous amassez, au moins vous avez de temps pour écouter vos vinyles. a ce propos, un très bon documentaire ci-dessous, pour ceux qui parlent anglais et ont du temps devant eux.
Un article récent paru sur Discogs, et qui m’a donné envie d’écrire ce post, dépeint un collectionneur déclarant tantôt aimer Discogs et tantôt le détester : l’ascenseur émotif dépeint ci-dessus (j’ai enfin le disque que je recherche depuis longtemps, mais je ne me sens pas plus comblé pour autant) semble être à la fois moteur et cause de souffrance : au final, Lemmy avait surement raison quand il chantait « Chase is Better than the Catch » (Lemmy a toujours raison de toutes façons) : le bonheur réside peut-être plus dans le fait de chercher un disque que de le posséder ?
La où celà devient très clairement pathologique est lorsque l’on commence à essayer de rationnaliser tout ça : la discussion initiale dans le channel Vinyl Community sur Youtube était une vidéo (malheureusement plus disponible) d’un Youtuber, Robert Z, qui se posait la question de savoir « Is enough ever enough ? » : quand est-ce que c’est trop ?
Robert Z sentait le poids de sa collection trop grande, et le stress que celà générait en lui. Il avait même calculé le nombre d’années nécessaires qu’il lui faudrait pour tout écouter, s’il n’achetait plus de musique et se disciplinait à écouter un album par jour. Celà le faisait énormément culpabiliser : pourquoi continuer à acheter de la musique alors que j’en ai tant ? Pourquoi acheter plusieurs fois le même album ou différentes variations ? etc..
Il m’est arrivé personnellement de ressentir un peu cet amour / haine pour le vinyle, et j’ai même parfois envisagé de vendre ma collection et de ne plus vouloir en entendre parler : trop de place, trop de recherche, trop de temps, trop de questionnement à propos des sources etc… Un bon vieux CD et hop le tour est joué. Mais j’ai la chance d’avoir toujours eu quelqu’un pour me dissuader de me séparer de ma collection et je remercie ces personnes qui se reconnaîtront si elles lisent ces lignes.
Je ne trouve aujourd’hui pas de sens dans le « son du vinyle », parce que je ne l’ai toujours pas trouvé ce son, malgré le fait de l’avoir cherché à coup de changement de platines / ampli / cellule. Certes, j’ai plein de vinyles qui sonnent bien, mais de la à dire qu’ils mettent le CD à terre il y a un monde, et même si parfois c’est le cas, l’écoute du CD n’en devient pas rédhibitoire pour autant : écouter un disque en vinyle parce que le son est meilleur ne fonctionne pas pour moi, et c’était même MON point de bloquage jusqu’à ce que je me pose ces questions. Aujourd’hui je m’en fous du « son du vinyle », ce débat ne m’intéresse plus, je me concentre sur la musique.
En revanche, l’objet VINYLE, l’artefact, dans sa valeur intrinsèque et tout ce qu’il représente, lui je l’AIME : les rituels qu’il m’impose, les discussions qu’il m’encourage à avoir avec les autres passionnés, etc. C’est dans ce rituel et dans cette communauté du vinyle que je trouve du sens et de la motivation.
Depuis que j’ai compris celà, j’ai clairement changé mon rapport à l’objet et à la consommation que j’en faisais. Je trouve du plaisir dans le monde du vinyle, dans la recherche de disques, dans l’échange avec les autres amateurs. Mais je n’attends plus de lui qu’il me surprenne d’un point de vue musical : et lorsque celà se produit tout de même c’est jackpot !
Article très intéressant. Pour parler de mon cas, j’avoue que selon les mois, j’achète beaucoup ou très peu. Un peu comme si j’essayais de me réguler. Après, il m’arrive parfois de me sentir pas très bien, quand j’achète de trop en une fois : le plaisir d’avoir trouvé de bons disques ou des curiosités est détruit par cette culpabilité d’être tombé dans ce coté compulsif de l’achat, d’avoir encore dépenser une somme importante!
J’ai conscience depuis des années de ce que dit Lemmy: chasser le disque le trouver, le négocier est super intéressant, et après une fois qu’on l’a…. On l’écoute quelques fois et on le range, en pensant plus aux autres disques que l’on souhaite et qui nous manque. Il m’arrive de regarder encore chez le disquaire les artistes dont je possède tous les albums. L’habitude est prise depuis des années…
En fait être collectionneur est comme tenter de remplir d’eau un seau percé, le vide ne sera comblé que temporairement….
Merci pour ton commentaire constructif. Un truc qui a marché pour moi (et je suis en plein dedans en ce moment), est de refaire le tour de ma collection en la triant, puis en l’informatisant (j’utilise Discogs) : tant que cela n’est pas fait, je n’achète rien d’autre (sauf rare exception à moins de 2/3€). Ca marche plutôt bien, et ça permet de redécouvrir pas mal de disques oubliés ou de sa collection. Après, je pense avoir beaucoup moins de disques que toi, donc la tache est peut être un poil plus simple. L’effet de culpabilisation que tu ressens, je le connais bien, mais au final je me rends compte que c’était surtout au début : quand tu commences à collectionner, tu as envie de tout acheter, et c’est là où tu te rends comptes que tu achètes tout et n’importe quoi. Heureusement qu’il y a 10 ans les prix n’étaient pas les mêmes qu’aujourd’hui …
je vous rejoints dans votre réflexion , combien de fois j ai culpabiliser d’avoir passé autant de temps a faire une discographie complète d un artiste pour au final me dire je suis passé a coté de pleins d’ autres que je ne connais pas ou tout simplement que je n ai pas acheté … tant d efforts
« je suis passé a coté de pleins d’ autres que je ne connais pas ou tout simplement que je n ai pas acheté … »
J’ai fait le même constat. Maintenant je vais sur Itune au hasard de mes préférences musicales, et autres sons que je n’aimraise pas à priori, et si je suis vraiment tenté, à ce moment la, j’achète le vinyle (s’il existe).
Depuis, je découvre des morceaux de jazz qui me sortent un peu de Davis, Sonny, Luis, …
Même si je reste fidèle à certains chanteurs (Davis, Bowie, Hallyday, Bertignac)
Et je confirme, que ce n’est pas que pour le « SON VINYLE » mais pour l’objet, sa pochette, le soin à prendre.
Pour moi le vinyle c’est comme le whisky, le regard, l’odeur, la détente …
Je pense qu’on a tous un petit moment de culpabilité selon nos humeurs. J’utilise également Discogs pour le suivi de ma collection et procède principalement à des achats par la plateforme. Je voudrais prendre plus de temps pour chiner, mais vivant en lointaine banlieue les déplacements deviennent vite un sacerdoce.
Je suis tout à fait d’accord avec ton approche du Vinyl vs. CD (ou même plateformes type Spotify que j’utilise énormément). A mon sens il n’y a pas un mieux que l’autre. C’est juste différent.
Le vinyl m’est cher pour ce petit crépitement pendant la lecture qui donne de la chaleur au moment d’ecoute. Un CD, lui, remplira plus un besoin de pause musicale sans contrainte de l’interruption d’une activité au bout de 21min pour retourner le disque. Et il n’y a pas d’ampli / cellule / platine idéal .. il y a des millions d’oreilles différentes qui trouvent un jour une harmonie qui leur convient et qui sera détesté par un autre.
A mes yeux (ou plutôt mes oreilles) la bonne sonorité est celle que l’on apprécie en s’allongeant dans son canapé en fermant les yeux et en s’evant avec la musique (vous savez ce petit instant volé après un bon chocolat chaud un Dimanche d’hiver …)
Merci Renaud pour ce chouette retour d’expérience, c’est exactement ce que j’essaye de faire passer dans cet article, bien que je remplacerais volontiers le chocolat chaud par un verre de blanc 😉
Je vous rejoins sur certains points.
La culpabilité de quand est-ce trop ? je pense qu’on l’a tous à un moment de notre vie.
Je parle en connaissance de cause car il y a encore quelques mois je possédais plus de 4000 vinyles (on était plus proches des 5000. Un soir, un incendie et patatra.
J’en possède encore plus de 400. Pour vous, c’est peut être déjà trop ?
J’ai 40 ans…. J’ai du vinyle depuis ma naissance et j’en ai toujours acheté. Un par-ci, cinq par là, un coup de craquage par-ci à coup de 10-15 vinyles. Puis la collectionnite de tel ou tel artiste, le pressage de telle année ou de tel pays.
Je suis devenu collectionneur non pas par choix. Mais simplement au fil du temps et par l’effet de mode dans le sens où ce sont les gens qui me définissent comme ça et à cause du nombre de vinyles. Moi, pour moi, je suis simplement un consommateur de longue date. Même à la grande époque du cd, j’achetais toujours du 33 T et même à l’ère de la mort du vinyles, j’en trouvais et en achetais toutes les semaines.
Addict = oui. Gros consommateur = oui mais pas collectionneur.
Je continue à en acheter et par moment je me demande pourquoi ? Un héritage de mon père à laisser à mon fils ? Spéculation, mon gamin n’en aura que faire. Pour quand je serai en retraite ? je finirai dans un hospice ou serai mort. C’est comme les philatélistes. Mon père n’aura jamais eu son temps de plaisir à contempler et re-trier ses timbres à sa retraite. Il est parti, les timbres sont restés (non triés et à s’abîmer)…. Et moi je passe plus de temps sur youtube et avec du wave ou du dsd. Comme quoi ? alors pourquoi ? Je ne sais toujours pas. C’est une drogue.
Pour la qualité du son du vinyle vs le cd ? Je suis toujours dubitatif.
Pour être très clair, on aura un meilleur son avec une platine cd bas de gamme qu’avec une platine td bas de gamme sans pré-phono et une bonne cellule. A qualité de matériel équivalent en moyen de gamme, les bons enregistrements vinyles prennent le dessus. On passe au HDG ou High-end et le CD reprend le dessus. Le vinyle sera supérieur uniquement avec les bons pressages et bons enregistrements sur ce type d’équipement car les 3/4 de nos vinyles ou CD deviennent inécoutables.
Ca m’amuse toujours depuis la reprise « en vogue du vinyle » de voir des gens regarder et acheter des vinyles et au dernier moment se poser la question : au fait, comment on écoute ça ? Ou alors un vendeur leur conseiller une platine en plastique à 150 balles. Comment veulent-ils que les gens connaissent le fameux son du vinyle ?
Ca me rappelle mes ex beau-parents me demandant en 2000 de leur prendre une platine. Quelle déception…. Une thorens pourtant. Mais brancher sur un ampli (moderne à l’époque)…. Aucune présence, que du souffle. Un pré-phono plus tard, du mieux mais franchement de là à prendre plaisir à écouter du vinyle, j’aurai capituler.
Le fait d’écouter du vinyle n’est plus une question de qualité sonore en 2018-2019. C’est un plaisir, un moment, un rituel. Pourquoi pas une nostalgie pour certains qui avaient arrêté ce support ou qui le redécouvrent. Pour la qualité sonore pure, un vrai bon DAC, de bonnes enceintes et du vrai master studio ou DSD et là, oui…. on est au dessus de savoir qui est le meilleur entre le cd et le vinyle.
Et ceux qui commencent le vinyle pour spéculer alors là, je suis simplement mort de rire. Oubliez, c’est trop tard. On est ouvert sur le monde ce qui fait que tous les pressages, pour nous petits français, sont tous accessibles et que les vraies raretés sont soit chez des gens qui n’ont jamais arrêté ou ont pris la tendance dans les années 90 – sans oublier ceux qui ont été détruits ou jetés/perdus. Comme dit dans un autre article, vous avez plus de chance de gagner au loto et de toute façon, vous l’aurez déjà payé trop cher.
Dans les années 90-2000, j’aurai pu toutes les semaines récupérer des caisses remplies de vinyles…. Je ne l’ai pas fait car trop maniaque. Ne pas savoir combien de fois ça a été lu et sur quoi ? Pour moi, hors de question. Mes platines doivent restées non-corrompues. Et maintenant, je me surprends de temps à autre acheter des vinyles d’occasion. Lavage du vinyle, passage sur une luxman direct-drive en mode lent, gros bras SME, et deux « one shot » avec la DL-103 pour récupérer/réparer les gros défauts. Relavage et ensuite, ils ont le droit de cité sur mes platines avec les V15 et les sumiko.
L’histoire du disque qu’on achète mais que l’on apprécie pas sur l’instant et dont on n’ose pas se séparer , je connais. En 1983 j’achète le deuxième album de Cravats en solde. C’est un groupe punk anarcho-jazz expériemental. Tout ce que je détestais à l’époque. En 2016 je me décide à le réécouter car je cherche des groupes punks pas forcément évidents pour compléter une compilation que je me fais (j’adore ça). Paf…. c’est la claque soudaine. Mais comment ai-je pu passer à côté de ce bijou à l’époque. Alors soit , ça ne marche pas à tous les coups , et comme le réfléchit intelligemment le youtubeur Jan Hoggart , il n’y a rien de pire qu’un disque qu’on va classer dans les disques moyens. On peut définitivement détester un disque dès la première écoute. Mais un disque moyen , on va se dire qu’on ferait mieux de le réécouter avant de s’en débarasser. Résultat , on passe plus de temps à écouter des disques moyens , en se torturant pour savoir si on peut les apprécier , qu’à écouter les disques qu’on aime vraiment et qui sont déjà rangés définitivement dans notre discothèque en se disant qu’on a fini par les cerner , par en faire le tour. Les grands collectionneurs reviennent toujours sur leurs disques de jeunesse , même s’ils découvrent plein de nouvelles galettes et artistes.
Concernant les supports : CD ou vinyl , je vais être clair à se sujet. Quand le CD est arrivé , il est fou de penser que tout ce qui avait été gravé en vinyl auparavant a soudain été réédité. Et ce , même chez les majors. Lorsque le vinyl (qui n’avais jamais totalement disparu chez certains indépendents ou pour certains stylesde musiques) a fait un comeback impressionnant , il est devenu fou de penser que tout ce qui n’était à l’époque qu’en version CD allait être réédité en version vinyl. Tout comme il est fou de penser que l’on trouve tout sur les plateformes de streaming tels Deezer ou Spotify. En fait si l’on aime vraiment la musique , on est naturellement multi-formats : CD , vinyl , et même K7 (ROIR tapes de New York qui , à l’époque avait monté un label uniquement K7 , n’a pas tout réédité en CD ou LP). On est LP et 45T (les faces B inédites ce ne sont pas que des titres de seconde zones). On est VHS et DVD….. etc. Aujourd’hui si j’ai le choix entre vinyl et CD , je peux préférer le CD , mais pour les vieux disques jamais parus dans ce format je suis vinyl à 100%. Un exemple parmi tant d’autres : le bluesman français Bill Deraime , bien que jouissant d’une certaine notoriété et ayant sorti son dernier album avec des invités aussi antinomiques que Sansévérino , Florent Pagny ou Kad Merad , n’a pourtant jamais vu ses six premiers albums vinyls avoir la moindre réédition CD ou le moindre coffret intégral !
Par contre je ne me fait pas d’illusions , mon unique fille ne s’encombrera pas de mon énorme collection à ma mort. Ma discothèque (j’aime dire mes archives) servira à renflouer les bourses de requins , de hyènes de la revente , avant de trouver une seconde vie , je l’espère , chez de vrais passionnés…. qui peut-être aimeront eux aussi le groupe the Cravats